FOXCATCHER

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"Pourquoi inventer des personnages quand il en existe d’incroyables dans la réalité?" De fait, le réalisateur Bennett Miller a signé un Truman Capote avec Philips Seymour Hoffman dans le rôle du fameux écrivain puis Le Stratège où Brad Pitt se glissait dans la peau de Billy Beane, manager d’une équipe de base-ball. 

Cette fois, il s’intéresse à des événements qui ont passionné l’opinion américaine au coeur des années 1990. Son récit s’organise autour de trois personnages : les frères Mark et Dave Schultz médaillés d’or en lutte aux JO en 1984, et John du Pont, l’héritier de la richissime dynastie industrielle, qui décide de créer une équipe de lutteurs avec pour objectif de décrocher l’or aux prochaines olympiades. Véritables blocs de muscles, Channing Tatum et Mark Ruffalo campent les frères Schultz tandis que Steve Carell, à mille lieues de 40 ans toujours puceau incarne le déconcertant milliardaire qui se définit comme"ornithologue, philatéliste, philanthrope et patriote".

Lorsqu’il a découvert cette histoire Bennet Miller ne connaissait rien au monde de la lutte, ni à celui de l’hyper-aristocratie américaine. Mais il y percevait un fort potentiel à la fois comique et tragique. Bien vu : son film a obtenu le Prix de la mise en scène à Cannes en 2014.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE STRATÈGE (Une plongée dans les coulisses du sport inspirée d'un personnage réel également signée par Bennet Miller) ou encore LES FORBANS DE LA NUIT (Un film noir qui met en scène des combats de lutte gréco-romaine).

Bennett Miller le revendique haut et fort : son film "n’a rien d’un produit formaté et aseptisé". Du coup le financement n’a pas été simple. Lassé de voir toutes les portes se fermer, il a suivi le conseil d’une connaissance et s’est adressé à Megan Ellison, une jeune très riche héritière qui se lançait dans la production (elle avait alors 26 ans et a financé notamment Zero Dark Thirty). Elle a avoué au cinéaste qu’elle trouvait le scénario très dérangeant. "Suis-je John du Pont?", lui a-t-elle demandé. "Est-ce que les gens me respectent et me prennent au sérieux simplement parce que j’ai de l’argent ? Ai-je une écurie de réalisateurs de la même manière que John Du Pont a une équipe de lutteurs ?" Elle a ensuite conclu qu’elle serait une moins-que-rien si elle ne faisait pas le film et comme elle ne trouvait pas de partenaire financier, elle s’est lancée dans l’aventure toute seule.

À la différence du Stratège où il montrait peu les matches de base ball, Bennet Miller met en scène plusieurs combats. Pour lui, chaque scène de lutte est un moment essentiel de l’intrigue et on apprend chaque fois quelque chose des personnages quand on les voit combattre. Dès le premier entraînement des deux frères, sans aucun dialogue on comprend leur relation, leur rivalité, on voit lequel a l’ascendant. Pour incarner les champions, les comédiens ont fait six mois de lutte sous la direction de coaches. Comme c’est un sport très fatiguant deux ou trois prises seulement étaient possibles. Et si Mark Ruffalo avait une expérience de ce sport et avait été champion d’Etat de lutte, Channing Tatum, qui a pris 30 kilos pour le rôle, n’en avait pas fait auparavant, pratiquant plutôt le kung-fu et ju-jitsu. Le véritable Mark Schultz apparaît d’ailleurs dans la scène où le personnage se fait peser pour le championnat du monde. 

Autre performance impressionnante, celle de Steve Carell. Affublé de sa prothèse nasale, de sa perruque et avec son maquillage qui l’enlaidit sévèrement, le comédien s’est totalement plongé dans son personnage et a préféré rester loin de sa famille pendant les trois mois de tournage. Pour info, le personnage qu’il interprète était dans la vie peut-être encore plus étrange que dans le film. Exemple parmi d’autres : il voyait dans les traces de morsures des chevaux sur les barres de l’enclos de sa propriété des messages codés des extraterrestres !

Remarqué grâce à ses deux premiers films, "Truman Capote" et l'excellent "Moneyball", le cinéaste Bennett Miller s'inspire cette fois d'un sordide fait divers survenu au milieu des années 90, avec pour toile de fond le milieu de la lutte. Conservant volontairement certaines ...

Je dirais même plus "Ducon et Du Pont sur les traces de leur conscience, ou la lutte des classes". C'était peut-être mieux, j'avais déjà le jeux de mots avec lutte de fait. Bref. La lutte il en est évidemment question dans Foxcatcher. Mais ce n'est pas de celle qui consiste ...

A qui tenterait de définir la patte d’un auteur sur son sujet, Foxcatcher a tout de l’exemple emblématique. Prenant à bras le corps un sujet ô combien balisé, il nous immerge sur les terres froides d’un esthétique sans compromis, un peu poseuse, mais qui va s’avérer ...