RAZZIA SUR LA CHNOUF

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Razzia sur la schnouf suit de près la sortie du film noir de Jacques Becker avec Jean Gabin, Touchez pas au grisbi. Et c’est effectivement le succès, critique et public, de ce long-métrage qui va permettre son tournage. Jean Gabin a bien senti que son rôle de gangster vieillissant dans le classique de Becker lui allait comme un gant, l’avait remis en haut de l’affiche après une période en demi-teinte, et lui permettait de gagner une maturité digne, bienvenue.

Razzia sur la schnouf, ténébreuse histoire d’un caïd mandaté pour réorganiser le marché de la drogue, se place donc résolument dans les traces de Touchez pas au grisbi. Il reprend sa star, un gros second rôle (Lino Ventura), le même chef opérateur, et bien entendu son univers de série noire, mêlant la vie nocturne parisienne à une traversée du gangstérisme de l’époque. Henri Decoin, le cinéaste choisi par Gabin, délaisse néanmoins le romantisme de Becker, qu’il admire profondément, pour livrer un film au ton bien plus abrupt et sombre à la fois.

Razzia sur la schnouf surprendra donc ceux qui imaginent le cinéma français des années 1950 confis dans un académisme inoffensif. Il s’agit en effet d’une œuvre sans concession, violente, réaliste, et n’épargnant personne dans sa description clinique d’un univers brutal et sans pitié. Une sécheresse qui a permis au film de ne pas prendre une ride. Et de servir pendant plusieurs années de film d’introduction aux polices américaines.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver TOUCHEZ PAS AU GRISBI (Tourné l'année précédente avec quasiment le même casting, c'est le premier face à face entre Gabin et Ventura.) ou encore LES TONTONS FLINGUEURS (Si ce film est si drôle, c'est parce qu'il respecte à la lettre les codes du film noir à la française.).

Razzia sur la schnouf est un beau témoignage, parmi d’autres, de cette époque étonnante ou la France découvre émerveillée la série noire. La célèbre collection littéraire est en effet crée en 1945, et c’est évidemment la libération qui permet soudain à toute une génération de découvrir des noms tels que Chase, Dashiell Hammett ou Chandler. Le genre devient rapidement français grâce à la sortie du roman d’Albert Simonin Touchez pas au grisbi, qui devient bien entendu le long métrage de Becker. Le point d’orgue de cette soudaine passion nationale est peut-être atteint lorsque la critique française, au milieu des années 1950, crée le terme de film noir, qui sera repris tel quel dans le monde entier, et même à Hollywood.

Derrière Razzia sur la schnouf, il y a donc un roman de la série noire, écrit par Auguste Le Breton, un authentique ancien taulard qui, selon la légende, serait le père du verlan. Le film est très respectueux de l’auteur, et lui offre même une apparition symbolique lors d’une scène dans une salle de jeu – au milieu d’authentiques truands d’ailleurs. Le réalisme extrême du récit et sa description étonnamment précise des mécanismes du trafic parisien de la drogue proviennent pour beaucoup de Le Breton, qu’un Decoin attentif saura écouter durant le tournage.

Lino Ventura est une des autres fortes personnalités de l’œuvre. Razzia sur la schnouf est seulement son deuxième long métrage, après bien entendu Touchez pas au grisbi, et il est au moins aussi important pour le comédien alors amateur. Pour Ventura, le tournage du film de Becker avait en effet semblé une aventure intéressante sans lendemain, et il était retourné à son principal métier. Mais Razzia sur la schnouf, que la future vedette a acceptée avec réticence grâce à l’insistance de Decoin et Gabin, va définitivement le plonger dans la carrière d’acteur et le mettre sur les rails de la gloire à venir.

Quand à Gabin, son personnage de faux caïd/vrai flic infiltré fit à l’époque grincer les dents de certains de ses admirateurs de la première heure. Mais ce rôle était justement parfait pour permettre cette transition de la star, du prolétaire un peu mauvais garçon de sa jeunesse à une figure plus âgée, mais également plus protectrice et rassurante, dont l’un des futurs visages sera le commissaire Maigret.

sept 2012: Cette immersion dans le milieu interlope des trafiquants de "la" drogue, comme l'écrit un journal qui situe formidablement bien l'époque, est une belle occasion de retrouver la verve d'Auguste Le Breton. Encore a-t-on le privilège de rencontrer l'écrivain lui même ...

Henri Decoin réussit un excellent film noir à la française, typique des années 50, en forme de reportage vécu, dévoilant au grand public les secrets d'un monde peu reluisant, la filière de la cocaïne, et les intérêts mis en jeu par ce trafic. Le romanesque est peu présent, ...

Ancien pupille de la nation devenu voyou puis écrivain à succès, Auguste Le Breton voit nombre de ses romans adaptés par le cinéma français au cours des années 50 et 60. Réputé pour être l'inventeur officiel du verlan (écrit "verlen" à l'époque), ce dialoguiste hors-pair ...