PLUMES

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Lors d'un tour de magie, un ouvrier égyptien est transformé en poulet. Quand le prestidigitateur s'avère incapable de lui rendre forme humaine, son épouse va tout tenter pour trouver une solution. Mais surtout être forcée de prendre sa place de chef de famille... Si Plumes part d'un postulat inattendu, le premier long métrage d'Omar El Zohairy refuse de mettre tous ses oeufs dans un même panier en explorant cette histoire loufoque du point de vue d'une épouse plongée dans les turpitudes kafkaïennes des labyrinthes administratifs quand elle veut faire reconnaître sa singulière situation. Plumes s'en amuse mais en serrant les dents dans cette comédie aussi absurde qu'amère. Ce jusque dans une surprenante identité de cinéma qui tend les bras à l'humanisme contrarié d'un Kaurismaki ou d'un Dino Risi. Plus qu'un portrait de la société égyptienne, Plumes confirme l'envol d'un cinéma issu des printemps arabes, capable de la puissance des récits universels.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver YOMEDDINE (Omar El Zohairy n'est pas le seul représentant d'une nouvelle vague de cinéma égyptien... A.B Shawky porte un regard similaire au sien.) ou encore METAMORPHOSIS (Si Plumes s'inspire très clairement de La métamorphose de Kafka, le Russe Vaelry Fokin a lui adapté le classique de la littérature.).

Il est trop simpliste de voir dans Plumes une immersion dans l'Egypte contemporaine : Omar El Zohairy lui-même réfute cette étiquette en ayant pris soin de rester dans le cadre d'une fable qui parle certes d'un rapport de classes, mais s'évertue à rester intemporelle. D'où cette volonté de ne jamais préciser où ni quand se passe son récit. Voire de conforter par un décor postindustriel, avec très peu de repères identifiables, un contexte de dystopie. El Zohairy procède de même pour le ton de son premier long métrage, réussissant le mariage entre l'amertume d'une situation des plus kafkaïennes et un humour à froid pour amplifier par l'absurde un constat social. Plumes ne se contentant d'ailleurs pas d'aborder un seul rapport de force, hiérarchique, entre employés et patrons. En basculant du sort de cet ouvrier devenu volaille à celui de sa femme, El Zohairy se transforme, lui, en regard sur la condition féminine. Une influence venant probablement du propre parcours d'un réalisateur devenu homme grâce à deux femmes, sa mère et sa grand-mère qui l'ont élevé là où son propre père qui n'a entretenu qu'une relation très distante avec lui. Mais c'est pourtant bien de lui, que Plumes tire sa vision de la bureaucratie : à la mort de son géniteur, parti tenter le rêve américain mais ayant sombré dans la précarité, El Zohairy a dû faire face pendant de longues semaines à un cauchemardesque processus administratif, au point d'être tombé en dépression. En guise de remède partiel, il y aura l'écriture de ce film, prolongation de l'univers de courts métrages funambules cherchant l'équilibre entre réalisme et surréalisme (jusque dans leurs titres. Pour exemple : La Suite de l’inauguration de toilettes publiques au kilomètre 375). Ainsi de Plumes, oeuvre singulière tendant des filins entre la sobriété d'un Robert Bresson et les extravagances de Tati ou Buñuel pour mieux raconter le monde.