LES LUNDIS AU SOLEIL

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Les lundis au soleil, c’est à peu près tout ce qui reste à Santa, José et Lino dans ce coin de Galice où ils errent, désœuvrés, depuis cinq ans que le chantier naval a fermé, les laissant sur le carreau. Il leur reste le lundi, et le mardi et le mercredi, et tous les jours de la semaine et du week-end, qui se ressemblent désormais. Lino continue à prendre le bac chaque semaine, pour aller à la ville, faire la queue dans un bureau d’embauche où tous les autres candidats sont plus jeunes et plus fringants que lui. José continue d’aimer sa femme, Ana, qui travaille encore, de nuit, dans une usine de conserverie de poisson. Santa continue de jouer le joli cœur auprès des femmes qu’il croise et de revendiquer sa fierté d’avoir cassé un lampadaire lors d’une grève —et pour lequel il refuse toujours de payer les 8000 pesetas de dommages et intérêt auxquels le tribunal l’a déjà condamné plusieurs fois.
Ces trois-là se retrouvent régulièrement devant une bière au comptoir du bar «La Naval», ouvert par un de leurs anciens collègues. Leur ardoise augmente et leur espoir s’amenuise, tandis qu’ils discutent avec le vieil Amador, de plus en plus alcoolique et confus, avec Reina, veilleur de nuit dans un immeuble en construction qui leur offre une vue imprenable sur le terrain de foot —mais, malheureusement, pas sur les cages de but !— ou avec Serguei, russe et spationaute qui a toujours une bonne blague en réserve sur le communisme et le capitalisme. Tout ce petit monde végète et se bat comme il peut pour exister, tenir le coup. Rester debout.« Les Lundis au soleil » est un film social, dans la lignée d’un Ken Loach ou d’un Robert Guédiguian, qui dessine une humanité chaleureuse et émouvante. Il y a une «force des faibles», elle est ici visible et palpable, elle s’appelle la dignité.
Mais parfois, quand tout vous accable, la dignité réside dans la façon la plus sûre d’en finir avec le malheur. Si Santa parvient encore et toujours à fanfaronner et à gueuler sa colère devant l’injustice du monde, les autres ont parfois bien du mal à croire en un possible futur. Il faudrait tout changer. Mais cette utopie-là est bel et bien morte. Ou alors partir aux Antipodes, là où tout est inversé : « Là bas, tu bosses alors qu’ici, non. Là-bas, tu baises, alors qu’ici, non ! » En tout cas, il reste l’amitié, la solidarité : si l’on est ensemble, on n’est pas tout à fait perdus…
Tout cela n’est pas très gai, et pourtant, c’est drôle, souvent. Comme dans cette scène où Santa, chargé d’endormir un petit garçon, lui raconte à sa façon la fable de « La Cigale et la Fourmi » —« La fourmi est une salope et une spéculatrice », s’emporte-t-il, avant de conclure : « Si tu nais cigale, t’es foutu ! ». Pas foutus, mais bien amochés, Santa, José, Lino et les autres sont Espagnols, mais ils pourraient être Français, Allemands, ou vivre dans l’un de ces nombreux coins du globe où l’on n’est personne sans un travail —ni aux yeux des autres, ni aux yeux des banques, ni à ses propres yeux. Laissés pour compte, mais vivants, ils sont nos semblables, nos frères. Les oublier reviendrait à nous oublier nous-même. 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver MY NAME IS JOE DE KEN LOACH (1997) (Un chômeur britannique tente de trouver des petits boulots pour gagner sa vie et retrouver sa dignité.) ou encore PARLE AVEC ELLE DE PEDRO ALMODOVAR (2002) (Sorti la même année, il n’a pas été retenu par l’Espagne pour concourir à l’Oscar du Meilleur film étranger, alors que Les Lundis au soleil, si !).

En dehors de son titre, traduit littéralement de l’espagnol, «Los Lunes al sol», le film de Fernando Leon de Aranoa n’a pas grand-chose à voir avec le tube immortalisé par Claude François. On y entend bien une célèbre chanson française, mais en l’occurrence, il s’agit de La Mer de Charles Trénet ! Nous sommes ici, dans un drame social, avec une poignée d’hommes en plein désarroi… Pas de travail, aucune perspective, si ce n’est de se retrouver chaque jour pour ne pas être seul et se rappeler qu’on est vivants, vaincus, certes, mais pas domptés…
Ce film choral, interprété par des acteurs solides comme Luis Tosar, José Angel Egido et Serge Riaboukine, est dominé par la figure de Santa, éternel rebelle auquel Javier Bardem prête sa force tranquille. Découvert au tout début des années 1990 chez Bigas Luna, dans Les Vies de Lulu, Jambon, jambon, et Macho, ainsi que chez Pedro Almodovar, dans Talons aiguilles, Javier Angel Encinas Bardem est né aux Canaries le 1er mars 1969. Il est le fils de l’actrice Pilar Bardem, le petit fils d’un couple de comédiens de cinéma et le neveu du réalisateur espagnol Juan Antonio Bardem.  Son impressionnante carrure de rugbyman et son jeu en demi-teintes ont vite imposé cet acteur, non seulement chez lui mais dans le monde entier.
Une pluie de Goyas, les Césars espagnols, a récompensé son travail, notamment dans Bouche à Bouche de Manuel Gomez Pereira, et Les Lundis au soleil de Fernando Leon de Aranoa. En 1998, c’est le film de Pedro Almodovar, En chair et en os, où il est un policier ayant perdu l’usage de ses jambes, qui le consacre définitivement et fait de lui un des acteurs ibériques les plus connus au monde, avec son compatriote Antonio Banderas. En 2000, Javier Bardem reçoit la Coupe Volpi à Venise pour Avant la nuit de Julian Schnabel, où il incarne l’écrivain cubain Reinaldo Arenas.
L’année suivante, pour le même film, il est le premier acteur espagnol nommé aux Oscars. En 2004, il est de nouveau couronné à Venise pour Mar adentro d’Alejandro Amenabar, où il est un tétraplégique «enfermé dans son corps» et réclamant l’euthanasie. Quatre ans plus tard, il reçoit l’Oscar du meilleur second rôle, pour sa composition de tueur obsessionnel dans No Country for Old Men des frères Coen. Avec Biutiful, d’Alejandro Gonzales Inarritu, il remporte au Festival de Cannes 2010, le Prix d’interprétation masculine. Il a aussi tourné avec Alex de la Iglesia, John Malkovich, Michael Mann, Mike Newell, Milos Forman et Woody Allen…. 

Les lundis au soleil éclaire avec force humour la situation tragique dune bande de chômeurs espagnols lors de la crise des années 2000. On suit le quotidien d'une bande de potes de comptoirs et de déboires, mis au ban de la société par le capitalisme, et leurs tentatives ...