LES DOIGTS DANS LA TÊTE

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Deuxième film de Jacques Doillon, datant de 1974, Les doigts dans la tête, film a petit budget en noir et blanc, est avant tout un film de transition. Une œuvre qui ferait la jonction entre deux époques, celle de l’insouciance de la fin des Trente Glorieuses et l’inquiétude galopante des années 70 avec l’arrivée du chômage.

Chris y est un apprenti boulanger qui se fait licencier par son patron pour retards intempestifs et menacé d’expulsion. Il décide alors d’entrer en résistance et squatte la chambre avec sa petite amie Rosette, son ami Léon et Liv, une jeune Suédoise de passage. Un ménage à quatre entre éducation sentimentale et politique.

Parenthèse enchantée entre amour libéré, recherche de soi et de son rapport aux autres et au monde, du travail en particulier, Les doigts dans la tête est une œuvre sensible qui pose un regard de quelques instants sur des jeunes gens, insignifiants mais forts, qui sont avant tout le pouls d’une époque en pleine tempête. Très contemporain finalement.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver JULES ET JIM DE FRANÇOIS TRUFFAUT (Une jeune femme remet en question un couple comme l'Allemand Oskar Werner dans le film de Truffaut) ou encore SQUAT, LA VILLE EST À NOUS DE CHRISTOPHE COELLO (Le squat comme moyen de réfléchir sur la société et l'avenir des sociétés.).

On pourrait presque penser qu’avec Les doigts dans la tête, Jacques Doillon se place en pionnier, sans le savoir, du mouvement mumblecore. Cette mouvance du cinéma américain s’est créée au début des années 2000 et est caractérisée principalement par une production fauchée, des sujets tournant autour des relations entre personnes de vingt à trente ans, des dialogues en grande partie improvisés, souvent plus marmonnés que vraiment parlés, et des acteurs non professionnels. La définition même de ce film de 1974. Avec ses quatre personnages principaux, le réalisateur dresse un portrait à l’instant T d’une époque en donnant la parole à ceux qui l’incarnent, à ceux qui la vivent permettant une plus grande identification du spectateur.

Le point de départ du scénario des Doigts dans la tête est un fait divers réel : deux apprentis boulanger s’étaient enfermés dans leur chambre et avaient entamé une grève de la faim avant d’être délogés par la police et mis en prison. Détail important que retiendra Jacques Doillon : l’un d’eux tenait un journal intime, comme Chris, le personnage central du film. Le monde est alors vu à travers la perspective du quatuor en huis clos, celle de jeunes gens, post-soixante-huitards, qui n’ont même pas encore la vingtaine et qui sont confrontés à un monde qui change. La liberté et l’insouciance des Trente Glorieuses et de la libération sexuelle cèdent la place au chômage, à la précarité familiale et aux chocs pétroliers. Aussi le film est-il d’une grande modernité par rapport à notre époque en pleine transition, les questions restent finalement les mêmes.

Mais au-delà de l’aspect politique et des ambitions professionnelles évoquées et subies par notre quatuor, Les doigts dans la tête est avant tout une éducation sentimentale dont la fraîcheur d’écriture et de ton n’est pas sans évoquer la Nouvelle Vague. Les quatre personnages font écho au trio de La Maman et la putain, sorti un an plus tôt. Chris et Rosette expérimentent la vie de couple au même titre que Antoine et Christine dans Baisers volés et la jeune et jolie Suédoise qui menace de faire vaciller leur union évoque, elle, l’Allemand Oskar Werner dans Jules et Jim. Pas étonnant alors qu’à l’époque François Truffaut se soit emballé pour le film.

La révolution sexuelle vécue par une fille qui n'y est pas préparée, et sa souffrance qu'elle n'avouera jamais, par peur de passer pour une vieille fille. Ce sont les années 60 dans l'intimité d'un quatuor amoureux, mais ce n'est pas daté. C'est même fin comme du Marivaux. ...

Excellent film. Ça parle d'amour, de jeunesse, du désir de vivre pour soi mais ensemble, des patrons qui profitent, de l'amour libre, d'une société liée par ses propres règles, de désillusion aussi parce qu'au final aucun personnage n'est ce qu'il croit être. C'est touchant ...

"Les Doigts dans la Tête"... : du cinéma-vérité ? Non, du cinéma comme œuvre d'Art, mais qui fait mal, qui trouble profondément... comme la vérité. C'était le premier film de Jacques Doillon, et cela reste sans doute à date son plus beau film. [Ecrit en 1991] ...