CÉCILE EST MORTE

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Cécile est morte est tourné sous l’occupation, à la fin 1943. Cette aventure de Maigret est adaptée d’après le roman de George Simenon. Publié sous forme de feuilleton dans le quotidien Paris-Soir entre février et avril 1941, l’ouvrage paraît en 1942 dans le recueil Maigret revient. Un an après, le film est en préparation à la Continental, une société française financée par des capitaux allemands.

La mise en scène est confiée à Maurice Tourneur. Pionnier du cinéma muet, le réalisateur a mené une carrière américaine avant de revenir en France en 1926. Son cinéma pictural peut-être apprécié à travers les genres qu’il a abordé comme le drame historique avec Le Patriote, l’adaptation pour le cinéma de la pièce Volpone, et le film policier avec Au nom de la loi et Justin de Marseille. Un an avant Cécile est morte, il réalise pour la Continental Le Val d’enfer, un drame provençal naturaliste, et La main du diable, un chef-d’œuvre du fantastique français.

Le film décrit avec détails le quotidien du quai des orfèvres, s’intéressant autant aux femmes de ménage qu’aux policiers et à leurs bureaux enfumés. Tourneur met en valeur par son sens de la lumière et des cadrages une reconstitution de la célèbre P.J, 3 ans avant le Quai des orfèvres de Clouzot. 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE CORBEAU (Réalisé comme Cécile est morte durant l'occupation allemande, Le Corbeau est une satire des dénonciations anonymes qui faisant florès à cette époque.) ou encore LA NUIT DU CARREFOUR (La première adaptation de Maigret au cinéma. Le commissaire est interprété par Pierre Renoir, le frère du réalisateur Jean Renoir.).

Dirigée par Alfred Greven, la Continental, firme créée par Joseph Goebbels, achète en 1942 l’exclusivité du personnage de Maigret sur 3 ans et à travers 3 romans pour la somme considérable à l’époque de 500 000 francs. Cécile est morte est le deuxième des 3 opus consacrés au cycle Maigret interprété par Albert Préjean, après Signé Picpus et avant Les caves du majestic, deux films signés Richard Pottier.

Le script est écrit par Jean-Paul LeChanois, déjà responsable de l’adaptation de Signé Picpus et qui a aussi travaillé avec Maurice Tourneur sur La Main du diable. Le futur réalisateur de Sans laisser d’adresse étoffe l’intrigue du court roman de Simenon. On y retrouve toute la noirceur du livre à travers cette vieille dame qui a fait fortune grâce aux maisons closes, ou avec son vertueux voisin et homme d’affaires transformé en criminel prêt à décapiter ses victimes. LeChanois intègre avec réussite des scènes de comédie comme avec ce médecin légiste, pressé d’en finir avec l’examen d’une victime afin de, je cite, « pouvoir rejoindre le banquet des fines gueules de la plaine Monceau ». Un changement de ton qui fonctionne parfaitement avec le rythme enlevé qu’impose Tourneur.

Le film est servi par une belle brochette de comédiens. Albert Préjean est donc à nouveau Maigret. Sec et nerveux, il ne correspond pas à l’image du héros de Simenon (on lui préfère Harry Baur ou Jean Gabin) mais parvient avec son dynamisme et sa verve parisienne à nous faire croire qu’il est bien policier. A ses côtés vous reconnaîtrez Jean Brochard, ici l’ambigu Dandurand, que l’on a aussi pu voir dans Boule de suif et Un revenant de Christian-Jaque. Pour interpréter Cécile Pardon, personnage pivot du film, Tourneur a choisi Santa Relli, une comédienne que l’on aura remarquée auparavant dans Au bonheur des dames d’André Cayatte. Quant à André Gabriello, il reprend le rôle de Lucas comme pour toute cette trilogie, et est la seule erreur du casting avec ce personnage comique, à la limite du grotesque, très éloigné de celui imaginé par Simenon. Sorti le 8 mars 1944, Cécile est morte reste pour beaucoup le meilleur Maigret avec Préjean.