BELLE MAMAN

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A la fin d’Alexandre le bienheureux, une délicieuse comédie libertaire d’Yves Robert, Alexandre, incarné par Philippe Noiret est prêt à convoler en justes noces. Mais une fois à l’église, alors que le prêtre vient de lui demander s’il voulait épouser sa promise, il se met à crier un retentissant « Non » avant de partir en courant. Dans Belle Maman, Antoine, à qui Vincent Lindon prête ses traits, hésite un bon moment avant de répondre oui. En fait il pense non, parce qu’il vient de tomber amoureux de sa belle-mère.

Après un tel point de départ, inutile de préciser que le film d’Aghion est une comédie. Pas une comédie douce-amère, une comédie en demi-teinte, une comédie gorgée d’émotion, non, une comédie tonitruante, qui ne s’embarrasse pas de faux-semblants et vise un rire franc et massif.

Il faut dire que le film bénéficie d’un casting haut de gamme et que les comédiens jouent tous le jeu. Y compris Catherine Deneuve qui sous ses airs aristocratiques ne rechigne jamais à se donner à fond dans le délire de ceux qui la dirigent. On se souvient que Jaco Van Dormael a réussi à la glisser dans un lit avec un gorille dans Le Tout Nouveau Testament. Mais Vincent Lindon, Mathilde Seigner et Line Renaud ne sont pas non plus à la peine pour faire exploser les limites de la retenue et du bon goût. Tant mieux.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE SEXE FOU (Dans ce film de Dino Risi, un homme lâche sa compagne, déjà bien plus âgée que lui, au profit de la mère de celle-ci...) ou encore COUSIN COUSINE (Une cérémonie familiale permet des reclassements affectifs).

Si Belle Maman est souvent joyeux, le film est également très gay. D’un côté le meilleur ami d’Antoine, auquel Artus de Penguern prête ses traits, qui découvre après des années de mariage qu’au fond il est d’avantage attiré par les garçons. Et qui en pince pour un certain Frank, que campe Laurent Lafitte, qui n’était pas à cette époque encore à la Comédie française et qui faisait ses gammes au cinéma. De l’autre Line Renaud, en couple avec Stéphane Audran, qui donne vie pour l’occasion à une femme pas toujours très féminine, lointaine cousine de la  Josiane Balasko de Gazon maudit. Mais Aghion est un récidiviste, qui s’est toujours plu à titiller les zygomatiques de ses contemporains sans renoncer pour autant à défendre le droit à la différence. Pédale douce, qui précédait Belle Maman, avait fait un carton. Ce que ne fera pas Pédale dure, qui en constitue la suite, quelques années plus tard.

Les deux premiers films de Gabriel Aghion, La Scarlatine et Rue du Bac étaient des comédies mi-chèvre mi chou, qui laissaient la part belle à l’émotion. C’est bien à partir de Pédale dure que le cinéaste a touché le grand public en livrant des comédies abracadabrantesques où il pouvait cultiver tout son soul son sens de l’absurde et celui de l’énorme. Un itinéraire assez semblable à celui de Fabien Onteniente qui avait démarré mezzo voce avant de casser la baraque avec Camping ou Jet set.

Mais quel que soit le talent d’Aghion, il est évident que c’est à son casting rutilant que le film doit une bonne partie de son aura. Catherine Deneuve est aussi une actrice de comédie, elle renoue ici avec un genre dans lequel elle excelle, que l’on se souvienne de ses prestations dans les films de Jean-Paul Rappeneau, et qu’elle n’a pas fini de visiter. Même si dans les années 90, elle a davantage la tentation de fréquenter les plateaux de Manoel de Oliveira ou de Raoul Ruiz que ceux des serviteurs exclusifs du rire. Mais Line Renaud nous surprend tout autant dans la peau d’une lesbienne qui assume parfaitement son inclinaison. Le rôle lui vaudra d’être nominée aux César pour un second rôle. Mais cette année-là, c’est Charlotte Gainsbourg qui emportera la statuette pour sa prestation dans La Bûche, de Danièle Thompson. Car la talentueuse scénariste, qui avait prêté main forte à Aghion pour Belle  Maman, avait en parallèle réalisé son premier film…