MEMORIA

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Plus qu’un film, Memoria, le neuvième long métrage du réalisateur et artiste visuel thaïlandais Apitchapong Weerasethakul, est une expérience sensorielle, visuelle et sonore. Elle se passe en Colombie et pour la première fois, il convoque des stars internationales pour l’interpréter : Tilda Swinton ou Jeanne Balibar. 

Résumer un tel film est une gageure car l’action et la narration signifient si peu par rapport à l’effet recherché de plonger le spectateur dans un monde de sensations, de souvenirs qui lui sont personnels ou étrangers. Le cinéaste reconnaît en avoir eu l’idée après avoir été « surpris par le bruit d’une explosion. C’était celui d’une bombe, à l’aube, qui ne venait pas d’ailleurs mais de l’intérieur de ma tête » dit-il. Et qui s’est répété régulièrement. 

Ce syndrome de la tête qui explose met dans un état semi-conscient d’écoute et d’anticipation, Apitchapong Weerasethakul s’en est servi pour tourner son film dans un pays étranger tout en entrant dans l’inconscient ou les souvenirs d’autres personnes.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver ONCLE BOONMEE, CELUI QUI SE SOUVIENT DE SES VIES ANTÉRIEURES (parce qu'il s'agit là encore d'une plongée dans un monde intérieur) ou encore MULHOLLAND DR (Parce que David Lynch est aussi un réalisateur-artiste visuel à l'univers très personnel qui mise plus sur les sensations visuelles que sur le rationnel).

Quand Apitchapong Weerasethakul décrit le processus de création qui l’a amené à Memoria, rien n’est rationnel. Un faisceau d’inspirations apparaît : ses lectures enfantines de chasseurs de trésor, son goût pour Vaudou, le film de Jacques Tourneur, dont l’héroïne s’appelle Jessica, nom qu’il donne au personnage interprété par Tilda Swinton, et ses voyages en Amérique Latine, en Colombie en particulier où il s’est arrêté. Là, il a choisi deux villes : Bogota et surtout Pijao à 300 km de là, où un immense tunnel est en construction. Le Bang des travaux évoquerait ce bang interne récurrent, celui qui vient réveiller les souvenirs cachés de son héroïne.  

Si Memoria est une expérience de sons et de sensations, le réalisateur l’a  imaginée, conçue, écrite pour les deux actrices qui y jouent : Tilda Swinton et Jeanne Balibar. C’est la première fois qu’il travaille avec des comédiennes professionnelles, avoue-t-il « pour que le défi soit plus intéressant », il a choisi de les plonger dans un pays qui leur était à tous étranger. « Après tout, Il s’agit d’un film sur la volonté d’entrer en phase avec la terre, les autres ou soi-même », conclut-il en ajoutant que comme avec tous les acteurs avec qui il a travaillé depuis ses débuts, c’est leur mélancolie intérieure qui l’a attiré. 

A côté des deux femmes internationalement reconnues, il a invité l’acteur mexicain, Daniel Gimenez Cacho (Cronos, La mauvaise éducation, Zama), les colombiens Elkin Diaz (El Rey, Shakespeare…) et Juan Pablo Urrego (Distrito Salvaje, L’oubli que nous serons). Memoria a reçu le prix du jury au Festival de Cannes 2021. Un prix que Apitchapong Weerasethakul avait déjà reçu pour Tropical Malady en 2004, lui qui a déjà été récompensé de la Palme d’or pour Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures en 2010.

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