L'INFIRMIÈRE

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Dans HARMONIUM, un de ses précédents films, Koji Fukada avait surpris par sa façon unique de traiter des éléments de thriller classique, comme la vengeance, en les atténuant pour insister sur l’atmosphère et l’étude des personnages. Il poursuit dans la même veine avec L’INFIRMIERE pour un résultat à mi-chemin entre Alfred Hitchcock et Eric Rohmer.

L’histoire suit une infirmière quasiment intégrée à la famille de l’aïeule dont elle s’occupe, jusqu’au jour où la fille cadette est kidnappée.  A la suite d’un malheureux concours de circonstances, la vie de l’infirmière va  se décomposer complètement.

L’intérêt du film se situe moins dans le déroulé du drame que dans l’étude de ses effets sur les personnages et en particulier sur l’infirmière magistralement jouée par Mariko Tsutsui. Il montre aussi comment les habitudes sociales favorisent les non dits et les incompréhensions,  avec des conséquences funestes. Fukuda est un expert dans l’art d’en dire moins pour en faire savoir plus, et son film laisse une impression d’autant plus forte. 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN (Même situation où l'équilibre d'une femme mûre est menacé par les agissements d'un de ses descendants.) ou encore MANCHESTER BY THE SEA (Le thème de la culpabilité domine une intrigue qui révèle progressivement les raisons de la désagrégation du personnage principal.).

Le titre original de L’INFIRMIERE était Yokogao, qui signifie de profil. Et on comprend pourquoi quand on sait que le personnage de l’infirmière a deux visages, correspondant aux personnalités qui sont les siennes avant et après l’affaire.  C’est aussi pour montrer ses différents traits de caractère que le réalisateur utilise deux continuités temporelles différentes, qu’il a montées dans un ordre non chronologique. Le réalisateur expliquait cette multiplicité par le fait que la façon de parler change selon qu’on s’adresse à un enfant ou à un adulte. « Différents facteurs influent sur les interactions entre différentes personnes, dit-il, d’où une pluralité de possibilités. »

La pluralité d’Ichiko se manifeste également dans le fait qu’elle est à la fois une victime et une complice. Ses habitudes lui donnent l’illusion de la stabilité, mais toute son existence est fondée sur un sol friable qui peut se dérober à tout instant sous ses pieds. Le projet de L’INFIRMIERE est né de la rencontre du réalisateur avec son actrice Mariko Tsutsui, qu’il avait précédemment dirigée dans HARMONIUM. Il avait développé un projet incluant trois femmes, mais finalement le scénario a évolué pour faire de l’infirmière le personnage central. Le cinéaste est très admiratif de l’implication de son actrice : « Elle fait beaucoup de recherches et se prépare longuement pour entrer dans son personnage, dit-il ». Entre elle et lui s’est établie une relation de confiance qui lui a permis de se sentir très libre dans l’écriture du scénario.

Koji Fukada avoue être fortement inspiré par le cinéma d’Eric Rohmer, au point de se demander parfois, lorsqu’il a un doute, ce qu’aurait fait Rohmer dans les mêmes circonstances. S’il fallait citer un film particulier qui l’a inspiré pour L’INFIRMIERE, il citerait LES NUITS DE LA PLEINE LUNE. L’INFIRMIERE a été réalisé à une époque particulièrement sensible au Japon, puisque la pandémie de coronavirus a provoqué une méfiance vis-à-vis des personnels soignants et de leurs malades, par crainte de la contagion et aussi par obsession de la pureté.

Le cinéma de Kôji Fukada trouve à présent plus de cohérence et de consistances, dès lors que le mystère qu’il entretient caresse davantage son ambiguïté. Dans la lignée de son succès cannois « Harmonium », le metteur en scène japonais frappe de nouveau là où on ...

Comme ce fut le cas avec "Madre" il y a quelques semaines, "l'Infirmière" est un film desservi par sa bande annonce - qui en dit trop, comme beaucoup de bandes-annonces -, par son slogan inepte ("Victime ou manipulatrice ?"), et par son positionnement publicitaire de "thriller", ...

Je vais reprendre le déroulement de ma réception du film ; ce qui devrait expliquer pourquoi je le trouve original et maîtrisé. Ce sera probablement incompréhensible pour ceux qui ne l'ont pas vu, tout en leur dévoilant des éléments de l'intrigue qu'ils auraient préféré ...